En 2021, la Haute Autorité de santé a recommandé l’intégration de dispositifs naturels dans les approches de soins aux personnes âgées. Malgré l’ancienneté de ces pratiques, leur reconnaissance institutionnelle reste marginale et leur efficacité encore sujette à controverse scientifique.
Dans les établissements médico-sociaux, la création de jardins thérapeutiques ne s’improvise pas. Des protocoles précis régissent leur installation, mais d’un établissement à l’autre, les mots changent, les référentiels divergent. Il suffit de traverser une frontière pour voir la définition s’étirer ou se resserrer. Quant à l’évaluation de leur impact, elle reste un défi : adapter des grilles d’analyse à la pluralité des publics, affiner les indicateurs selon les objectifs du lieu, la tâche s’avère ardue.
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Plan de l'article
Jardins à visée thérapeutique : de quoi parle-t-on vraiment ?
Le terme jardin thérapeutique, loin de désigner un simple carré de pelouse, recouvre un projet d’accompagnement complet. Il s’adresse en priorité aux personnes âgées, aux personnes présentant des troubles cognitifs ou des pathologies multiples, mais aussi à leur entourage, aux équipes soignantes et aux professionnels de santé. Dans un EHPAD ou dans tout autre établissement de santé, ces jardins répondent à trois exigences fondamentales : accessibilité, sécurité, esthétique.
- L’accessibilité est centrale : tout est pensé pour la mobilité réduite. Le moindre chemin, la hauteur des plantations, la largeur des allées, chaque détail permet l’accès aux fauteuils roulants comme aux déambulateurs.
- La sécurité structure chaque espace : sol plat, absence d’obstacles, bancs régulièrement répartis, ombrages pensés pour protéger du soleil ou de la pluie.
- L’esthétique complète l’ensemble : une sélection de plantes locales et robustes, des végétaux aromatiques, des textures et des couleurs conçues pour stimuler les sens.
Voici les caractéristiques majeures d’un jardin conçu pour accompagner la fragilité :
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Loin de se limiter à un rôle décoratif, ces jardins sont le support d’approches variées : hortithérapie, art-thérapie, médiation animale, ateliers sensoriels, activités collectives. Chacune de ces propositions vise à favoriser l’autonomie, encourager la communication et proposer un soin non médicamenteux adapté.
Le jardin thérapeutique se veut inclusif. Il accueille aussi bien les proches des résidents que les équipes soignantes. Cet espace devient alors un lieu de respiration, de dialogue, de rencontres, un terrain propice à la collaboration et à l’apaisement. Porté par des recommandations concrètes et des guides méthodologiques, il transforme le quotidien en offrant à la nature un véritable rôle d’alliée dans la prise en charge.
Pourquoi ces espaces verts transforment-ils la santé et le bien-être ?
Dire « jardin thérapeutique », c’est évoquer d’emblée une promesse de mieux-vivre pour les résidents en EHPAD, les patients fragiles, les soignants et leurs familles. Ces espaces verts ne se contentent pas d’égayer la vue. Ils agissent en profondeur sur le bien-être, la réduction du stress et de l’anxiété, modifiant la qualité de vie au quotidien. Pour les personnes âgées, les effets se font ressentir rapidement : regain d’autonomie, stimulation des capacités cognitives, sentiment de confiance retrouvé.
Le jardin thérapeutique s’impose comme un complément aux soins médicaux, particulièrement pour les personnes souffrant de troubles cognitifs. Ici, la mémoire s’active au contact d’une feuille, d’un parfum, d’une texture familière. Toucher, sentir, observer : ces gestes simples réactivent des souvenirs, stimulent la parole, incitent au mouvement et à la curiosité. Le recours à ces espaces permet d’élargir le champ des thérapies non médicamenteuses, offrant une alternative tangible à la sur-prescription.
Les familles y retrouvent un parent dans un cadre moins formel, propice aux échanges et à la détente. Passer du temps ensemble, jardiner, partager une activité : autant de moments qui nourrissent la communication et le partage. Quant aux équipes soignantes, elles y trouvent un souffle nouveau. Le contact avec la nature, l’accompagnement des résidents dans le jardin, même pour quelques minutes seulement, réduisent le risque d’épuisement et renforcent le sens du métier.
- Diminution du stress pour les résidents comme pour le personnel soignant
- Meilleure autonomie et fluidité dans les échanges
- Lien social renforcé entre patients, familles et équipes
Voici trois bénéfices régulièrement observés lors de la mise en place de ces jardins :
Dans ce contexte, la nature ne se contente pas de décorer : elle soigne, relie et offre une respiration, aussi bien individuelle que collective.
Les mécanismes d’action : comment la nature agit sur le corps et l’esprit
Le principe du jardin thérapeutique découle d’une certitude : la nature agit, module et apaise. L’influence de l’environnement végétal commence par la stimulation sensorielle. Le parfum d’une herbe aromatique, la sensation d’une feuille douce sous les doigts, la lumière filtrée au travers d’un feuillage : autant de stimuli qui activent les circuits cérébraux, ravivent la curiosité, déclenchent la mémoire. Chez ceux qui souffrent de troubles cognitifs, ce réveil sensoriel devient un déclencheur : la parole revient, certains gestes enfouis refont surface.
Le jardinage, même simplifié, relance la motricité fine. Manipuler des outils, semer, arroser : chaque geste entretient la coordination, soutient la rééducation et préserve l’autonomie. L’environnement naturel offre aussi un cadre propice à l’apaisement : prendre le temps d’observer, de respirer, de méditer, voilà un soutien précieux à l’équilibre mental.
Mais l’effet ne s’arrête pas à l’individu. Le jardin thérapeutique encourage la dynamique de groupe : jardiner côte à côte, contempler une floraison, discuter d’une plantation. Ces interactions nourrissent la communication, favorisent le partage intergénérationnel et encouragent la coopération entre résidents, proches et professionnels.
- Stimulation multisensorielle grâce à la diversité végétale
- Développement du sentiment d’indépendance
- Mise en mouvement et entretien du lien social
Concrètement, plusieurs leviers d’action se distinguent :
Exemples concrets et conseils pour intégrer un jardin thérapeutique dans son environnement
Créer un jardin thérapeutique relève avant tout d’un engagement collectif. Dans de nombreux EHPAD et établissements médico-sociaux, la réussite du projet dépend de la concertation entre usagers, gestionnaires et soignants. Plusieurs organismes, dont la Fondation Médéric Alzheimer, l’École Nationale Supérieure de Paysage de Versailles et l’association Jardins & Santé, proposent des ressources et guides pratiques adaptés à chaque contexte, issus de nombreux retours d’expérience.
L’implication de tous, résidents, familles, équipes, façonne des espaces vraiment accessibles et sécurisés. Pour y parvenir, il convient de prévoir des allées larges, sans obstacles, des rampes pour franchir les différences de niveau, des bancs ombragés et des bacs surélevés qui permettent de jardiner debout ou assis. Le choix des végétaux se fait avec soin : privilégier des plantes locales, résistantes, à feuillage odorant ou à floraison remarquable. Les plantes aromatiques, thym, menthe, lavande, sont particulièrement appréciées pour la stimulation sensorielle qu’elles apportent.
Privilégiez la robustesse et la simplicité. Chaque détail compte, du revêtement antidérapant sous les pieds à la signalétique claire et lisible. Pour que le projet aboutisse, il s’inscrit dans une démarche participative : l’écoute des besoins, la prise en compte des envies, l’ajustement du plan selon les contraintes du lieu. Faire appel à des professionnels du paysage, associés aux soignants et aux familles, garantit la cohérence et la pertinence du projet.
- Différencier les espaces d’activité et de repos pour s’adapter à tous les rythmes
- Favoriser les circulations douces et offrir une bonne visibilité sur l’ensemble du jardin
- Porter une attention particulière à la gestion de l’eau et à la sécurisation des points d’eau
Quelques principes concrets à garder en tête lors de la conception :
Ce qui fait la force d’un jardin thérapeutique, c’est l’ajustement permanent entre le lieu, les pratiques et le quotidien des résidents. La réussite s’appuie sur l’écoute, la connaissance du terrain et l’utilisation des ressources spécialisées. Quand nature et soin se conjuguent, le quotidien prend une autre couleur, et parfois, un nouveau souffle.